Rapport d’évaluation FR
Université de Guyane
Observations du Président du Hcéres
L’évaluation de l’Université de Guyane a été conduite par un comité d’experts présidé par M. Emmanuel TRIC, professeur des universités à l’Université Côte d’Azur. Plus jeune établissement universitaire français, l’Université de Guyane a été créée en juillet 2014 pour dix ans sous la forme d’un établissement expérimental dérogeant aux règles habituelles, notamment en matière d’organisation et de composition des conseils ; ainsi par exemple le président du Conseil académique est-il une personnalité extérieure. Elle est aussi l’unique tête de pont universitaire française sur le continent sud-américain.
Le comité d’experts note que l’université est confrontée à un double défi : d’une part développer une offre de formations de base et de formations professionnalisantes permettant de répondre à la poussée démographique que connaît le territoire et d’autre part se construire une signature scientifique spécifique, crédible et suffisamment attractive à terme. Ces deux défis s’ancrent dans ce qui constitue la réalité du territoire guyanais.
Les priorités scientifiques identifiées s’inscrivent clairement dans ce cadre : biodiversité amazonienne et valorisation des ressources ; santé globale/santé tropicale ; technologies innovantes (spatial, énergies renouvelables) ; migrations, interculturalité et cohésion sociale. Compte tenu des forces universitaires limitées, un partenariat renforcé avec les organismes présents sur le territoire, en particulier avec le CNES, a été recherché avec lucidité et réalisme. Il se déploie au sein du GIS IRISTA et dans l’ambitieux projet de recherche de site RIESTA. Le comité souligne la qualité de la dynamique scientifique avec une augmentation particulièrement rapide du nombre des publications. L’établissement a pris une initiative remarquable en confiant l’analyse externe de sa politique scientifique à un comité d’experts extérieurs, s’engageant ainsi dans une démarche de qualité dont le comité souhaite qu’elle s’étende à toutes les activités de l’établissement. En revanche, les experts recommandent de simplifier les instances de pilotage, de renforcer le soutien à la recherche aujourd’hui trop inégal, de créer enfin une véritable direction de la recherche et, en matière internationale, d’amplifier et de diversifier sa politique d’accueil de scientifiques. La politique de valorisation de l’établissement reste entièrement à construire, car les activités relèvent de l’initiative propre des unités de recherche en liaison avec leurs autres tutelles. Le comité invite l’université à se fixer une stratégie consistante, à l’inscrire dans une action coordonnée sur le site en l’optimisant avec les organismes présents. D’une façon générale, l’ambition scientifique comme l’attractivité en formation de l’université ne peut se déployer que dans un partenariat quasi-organique avec les grands organismes de recherche.
En matière de formation, l’université se fixe l’objectif de développer une offre de proximité, adaptée à la demande socio-économique de son territoire. Elle montre la volonté de professionnaliser les formations et de développer l’alternance et notamment l’apprentissage. Tout en saluant certaines réalisations portées en particulier par le dynamisme de l’IUT, le comité souhaite que cette orientation implique l’ensemble des composantes de l’établissement et que les partenariats avec le monde socio-économique soient structurés pour permettre l’élaboration d’une véritable stratégie de formation, aujourd’hui trop embryonnaire, et qui embrasse la formation initiale et la formation continue. Dans le contexte guyanais de croissance forte des effectifs étudiants, on peut s’interroger sur la taille modeste de l’IUT (200 étudiants) qui pourrait jouer un rôle accru dans le portage de la professionnalisation pour toute l’université. Le comité salue les initiatives multiples pour améliorer la réussite étudiante et développer l’innovation pédagogique et le recours aux technologies numériques, notamment avec le soutien du CNES et de la Collectivité territoriale. Si la réponse aux besoins d’élévation des niveaux de qualification des jeunes bacheliers guyanais apparaît primordiale, le comité appelle toutefois l’attention sur l’effort à conduire pour renforcer le lien recherche-formation au niveau du master, conforter les formations doctorales et se saisir de la position de la Guyane pour mettre en œuvre une politique plus active d’internationalisation, conditions pour assurer l’attractivité de l’université. Enfin les experts invitent l’université à conforter les services d’accompagnement de la stratégie de formation : des actions d’orientation auprès des lycéens au suivi du devenir des étudiants (en se dotant d’un Observatoire de la vie étudiante opérationnel) en passant par l’ingénierie pédagogique, l’évaluation des enseignements et les retours d’expérience favorisant l’amélioration continue.
Le comité d’experts s’est penché sur la gouvernance, l’organisation et le pilotage de l’établissement. Il apparaît clairement que cette jeune université est un établissement bien intégré et visible dans son territoire. Elle bénéficie d’un soutien de la Collectivité territoriale et des organismes de recherche présents qui se félicitent de son dynamisme et de sa volonté de coopération. Elle est portée par des personnels et des équipes fortement investis pour faire de l’établissement une université de qualité. Ce sont des points essentiels pour l’avenir. L’établissement qui se veut université à part entière peine cependant, compte-tenu de sa jeunesse, de sa taille et de ses moyens, à assumer l’intégralité des fonctions de gestion, de prévision et de contrôle qui sont celles d’une université de pleine maturité. Cela l’a conduit en outre à mettre en place une organisation trop complexe alors qu’il faudrait viser la fluidité des échanges et la clarification des circuits de décision. La lecture du rapport d’évaluation conduit à appeler l’université à se donner du temps et, plutôt que de chercher à tout embrasser tout de suite, à programmer l’amélioration du pilotage sur toute la durée de la période contractuelle en concentrant d’abord l’effort sur les outils permettant de conduire de véritables stratégies de recherche et de formation, d’assurer la soutenabilité financière et organisationnelle et à construire une visibilité pluriannuelle sur le cœur de l’activité (politique RH, modèle économique…). En l’espèce, mieux vaut moins mais mieux.
Le Hcéres estime indispensable que l’Université de Guyane formalise une feuille de route qui, sur les cinq prochaines années, permette de façon réaliste la montée progressive en charge et en qualité des fonctions de pilotage et corrélativement la mise en œuvre d’une organisation plus simple et plus fluide, dans le cadre d’un dialogue social approfondi. L’élaboration et la formalisation de cette feuille de route dans les prochains mois, dont la mise en œuvre serait facilitée si la dotation de l’université pouvait être confortée, pourra s’appuyer pleinement sur les recommandations du rapport d’évaluation. Elles devraient simultanément permettre de tirer le bilan complet des modalités de fonctionnement dérogatoires de l’université durant la période d’expérimentation qui prendra fin en 2024 et servir de base au rapport complémentaire que le Hcéres sera amené à produire, comme le prévoit la loi (art. L 711-4 du code de l’éducation), pour éclairer l’État et l’université sur les modalités d’organisation pérenne de l’établissement. Le Haut Conseil appelle également l’État à fixer rapidement ses attentes en la matière pour permettre en connaissance de cause à l’établissement de préparer cette nouvelle étape et au Hcéres de mettre en place le dispositif d’évaluation complémentaire le mieux adapté.