Évaluation

Simplifier aussi l'évaluation

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Tribune de Stéphane Le Bouler, président par intérim du Hcéres, suite au discours du Président de la République du 7 décembre 2023.

Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) doit contribuer au choc de simplification souhaité par le Président de la République, dans son discours du 7 décembre. Les acteurs l’attendent. 

L’évaluation des résultats obtenus par les institutions d’enseignement supérieur et de recherche, appréciés le plus objectivement possible, constitue un facteur-clé de la régulation de notre système d’enseignement supérieur et de recherche. 

Si le consensus progresse sur le sujet, la question reste entière de savoir comment faire pour ne pas ajouter au fardeau des réglementations celui de l’évaluation. Il nous faut écouter tous ceux qui souhaitent une évaluation efficace, mais moins coûteuse en temps. 

Lorsqu’on évoque les résultats des universités et des écoles, on parle à la fois de l’enseignement (la qualité pédagogique, l’attractivité, la réussite étudiante, etc.) et de l’insertion professionnelle, de la recherche (l’impact des publications et des projets d’innovation, l’inscription de la science dans la société, etc.) et de l’institution elle-même (sa stratégie, son management et la qualité de sa gestion, sa politique RH, ses partenariats nationaux et internationaux, etc.).

Cela conduit aujourd’hui à passer tous les cinq ans l’ensemble de l’activité de ces établissements au crible de l’évaluation : chaque unité de recherche, chaque formation, chaque volet de la vie de l’institution. Il y a certes des raisons d’avoir conçu les choses ainsi, notamment la préoccupation d’un traitement égal des organisations. 

Mais bien sûr, si on veut tout voir, il est difficile de vouloir en même temps des procédures légères et fluides, une adaptation aisée à chacune des entités évaluées et des délais courts. D’autant plus qu’il y a des normes internationales à respecter : une évaluation par les pairs qui repose sur des comités d’experts indépendants et sur une auto-évaluation des entités, une procédure contradictoire et des rapports publics, etc. 

La situation est-elle pour autant inextricable ? Pas forcément

D’abord, les dernières vagues d’évaluations ont prouvé qu’il était possible de réduire quelque peu la charge des informations et des données demandées aux acteurs. Il faut aujourd’hui viser l’objectif de ne jamais leur redemander des éléments déjà fournis par ailleurs. Elles ont également montré les premiers bénéfices de « l’évaluation intégrée », destinée à mobiliser les évaluations de la recherche et de la formation pour produire une approche complète de l’institution. Au-delà, la forme du rapport d’établissement a évolué en proposant d’emblée un avis global, plus incisif, apportant aux parties prenantes les résultats principaux de l’évaluation, en un mot son relief. 

Ces progrès sont notables, mais relèvent davantage de l’allègement – et d’un peu de bon sens – que de la simplification drastique, d’un questionnement véritable sur les périmètres d’évaluation ou a fortiori d’un changement de paradigme.

L’évaluation récente du CNRS a montré une voie intéressante. D’emblée, il a été décidé, en accord avec l’organisme, de ne pas tout évaluer, ni au plan scientifique, ni au plan managérial, mais de se concentrer sur un nombre limité de grands sujets stratégiques, en tenant compte des préoccupations du ministère en charge de la recherche. Le comité d’experts internationaux de haut niveau s’est de fait bien retrouvé dans une manière de faire, proche des évaluations internationales. En outre, le comité a pu s’appuyer sur des comparaisons avec des institutions étrangères. Une fois le rapport publié, chacun peut constater que l’écho d’une telle évaluation s’en est trouvé accru. 

En outre, au nom de la comparabilité, les démarches d’évaluation sont aujourd’hui uniformes quel que soit le degré de maîtrise par les institutions de leur autonomie et de leur trajectoire. Mais si une université, par exemple, a su elle-même faire appel à des « pairs externes » à titre de conseil (notamment à travers le rôle des Strategic Advisory Boards) et qu’elle en a tiré les conséquences pour conduire sa stratégie de formation et de recherche, sa stratégie partenariale et sa politique de ressources humaines et d’allocation des moyens, est-il bien raisonnable de ne pas en tenir compte au moment d’organiser l’évaluation ? 

Celle-ci pourrait, dans ce cas, se concentrer sur deux aspects : d’une part, la qualité même des dispositifs que l’établissement a mis en place pour assurer des progrès avérés dans la conduite de sa stratégie, d’autre part, les grands résultats obtenus dans l’exercice des missions de recherche et de formation et la maîtrise d’une stratégie et d’une trajectoire renforçant l’identité propre de l’établissement. 

Dégagée de l’obligation de tout voir, l’évaluation pourrait aussi éclairer certains sujets importants pour les politiques nationales : l’intérêt pour une université d’être partie à une « université européenne », la trajectoire d’excellence, dans la durée, des universités labellisées Idex, la densité du partenariat avec l’écosystème de soins pour les universités à composante santé, la contribution à la formation des enseignants pour les établissements intégrant un Inspé ? Etc.

Ces évolutions comme d’autres, le Hcéres est prêt à les conduire. Elles ont progressivement mûri au sein de l’institution et dans le dialogue avec les acteurs. De leur côté, les établissements doivent assumer l’autonomie et accepter plus nettement les différenciations dans l’exercice de leurs missions. Les autorités ministérielles, de leur côté, doivent dire ce qu’elles attendent de l’évaluation et prendre en compte plus systématiquement les résultats de celle-ci. La convergence entre contrat quinquennal et COMP dans un nouveau contrat de performance et avec une nouvelle politique d’allocation des moyens publics sera ici une étape clé. 

Cette évolution sera de plus facilitée si, comme l’annonce en a été faite le 7 décembre, de nouvelles souplesses deviennent possibles en matière d’organisation, de gouvernance et de gestion. À travers l’évaluation des sorties d’expérimentation des établissements publics expérimentaux (EPE), le Hcéres a montré qu’il pouvait adapter ses méthodes et a bâti une collaboration fructueuse avec le ministère et les acteurs. 

Plus d’agilité est donc possible pour de nouvelles expérimentations que la Ministre appelle de ses vœux et qui devraient permettre de conférer aux établissements qui seront prêts un nouvel élargissement de compétences et de responsabilités. L’Acte II de l’autonomie a besoin de l’évaluation.